Le Bureau Indépendant Anti-Corruption (Bianco) a présenté ce matin son rapport annuel d'activité, révélant une augmentation des cas de corruption détectés. Si les chiffres témoignent d'une activité accrue, le directeur général a pointé du doigt des obstacles persistants, notamment les immunités et privilèges accordés à certaines catégories de personnes, entravant la pleine efficacité de la lutte contre la corruption à Madagascar.
Le directeur général du Bianco, Gaby Nestor Razakamanantsoa a souligné lors du rapport annuel d’activité de l’entité les contraintes majeures entravant son action. « Certains corps de fonctionnaires bénéficient d’une forme d’immunité qui empêche toute enquête à leur encontre sans autorisation préalable. Contrairement aux autres cas où l’on demande une autorisation de poursuite après l’enquête, ici, il faut une autorisation spéciale juste pour commencer à enquêter. Ce système, qui n’existe qu’à Madagascar, constitue un blocage important », a-t-il expliqué.
Selon lui, la solution est de faciliter l’accès aux investigateurs du Bianco de procéder à des enquêtes sur des fonctionnaires qui doivent comparaitre. « Des discussions sont en cours pour supprimer cet obstacle. Il est important de rappeler que si l’enquête elle-même est bloquée dès le départ, cela devient une entrave ou une atteinte à la confidentialité. Ce que nous proposons, c’est de repenser ce système : l’immunité pourrait s’appliquer au moment des poursuites, mais ne devrait pas empêcher l’enquête, » poursuit-il. Le manque de moyens pour mettre en œuvre sa politique interne et les recommandations issues des cartographies des risques constitue un autre défi majeur pour le Bianco.
L'année écoulée a pourtant été marquée par une intensification de l'action du Bianco, avec la détection de 598 cas de corruption, soit une hausse de 7,5% par rapport à l'année précédente. Les efforts d'investigation ont également connu une progression significative, avec 53 missions menées auprès de 1950 personnes enquêtées, entraînant l'arrestation de 680 individus et le placement sous mandat de dépôt de 174 personnes, soit une augmentation de 83,16 %. Ces actes répréhensibles ont engendré un préjudice financier colossal pour l'État, dépassant les 53 milliards d'ariary.
Antennes régionales
L'analyse sectorielle révèle que les collectivités territoriales décentralisées (CTD) restent le secteur le plus touché par la corruption (23,41 %), suivies du secteur foncier (14,21 %) et de l'éducation (13,71 %). Contrairement aux récentes dénonciations, le secteur des forces armées se situe loin dans le classement (16ème avec 0,84 %), contrairement à la gendarmerie nationale (4ème avec 7,86 %) et à la police nationale (8ème avec 2,84 %).
En termes de catégories de personnes impliquées, les élus des Collectivités territoriales décentralisées (CTD) arrivent en tête avec 71 agents arrêtés et 26 placés sous mandat de dépôt. Les fonctionnaires des catégories A, B, C et D sont également fortement représentés. Fait notable, un seul membre du gouvernement a fait l'objet d'une enquête, sans arrestation ni placement sous mandat de dépôt.
Pour l'année en cours, le Bianco ambitionne de mettre en œuvre la Stratégie Nationale de Lutte Contre la Corruption (SNLCC) et de renforcer sa présence sur le territoire avec la création et l'opérationnalisation de nouvelles antennes régionales et spéciales à Antsohihy, Maroantsetra et Nosy Be.
Ravo Andriantsalama