Le dénouement d'une longue saga ou un nouveau chapitre ? C'est la question qui plane sur la capitale française où se réunit aujourd'hui la commission mixte paritaire entre la France et Madagascar, axée sur l'avenir des Îles Éparses. Après des années de report et d'attente, la délégation malgache est attendue au tournant par une nation entière, et surtout par une société civile unie et ferme, qui rappelle avec force l'appartenance légitime de ces îles à la Grande Île.
C'est la seconde réunion de cette commission depuis celle de novembre 2019 au palais d’Andafiavaratra à Antananarivo. Prévue en 2020, elle fut reportée en raison de la pandémie de COVID-19. Une nouvelle tentative en 2022 échoua, Madagascar se retrouvant sans chef de la diplomatie après le limogeage du ministre des Affaires étrangères, Richard Randriamandranto. Finalement, à l'issue de la visite d’État du président français le mois dernier, la date du 30 juin a été convenue, marquant un rendez-vous crucial.
Deux visions diamétralement opposées
Sur le fond du dossier, les positions des deux pays restent diamétralement opposées : l'Hexagone, fidèle à sa ligne, prône la cogestion des îles, tandis que la Grande Île réclame une restitution pure et simple. Un bras de fer historique qui met la pression sur les négociateurs malgaches.
Madagascar a déployé une délégation de huit émissaires, dont deux ministres de poids : la ministre des Affaires étrangères, Rasata Rafaravavitafika, qui conduit la mission, et le ministre de la Pêche et de l’Économie Bleue. Deux experts en relations et négociations internationales, deux juristes (dont la sénatrice Lalatiana Rakotondrazafy), ainsi qu'un professeur en biologie et écologie végétale complètent cette équipe. L'objectif de Madagascar est limpide, comme l'a martelé Rasata Rafaravavitafika lors du bilan de la visite d'Emmanuel Macron: obtenir la restitution des petites îles éparpillées autour de Madagascar.
Cette composition de la délégation est toutefois décriée par certains observateurs, qui s'interrogent sur la pertinence de la nomination de certains membres dont les domaines d’expertise semblent éloignés des relations et négociations internationales. Néanmoins, l'attente est immense, le peuple malgache espérant enfin des résultats tangibles à l'issue de cette réunion.
Dénonciation
La pression populaire s'est manifestée bruyamment ce samedi lors d’une conférence de presse à Antananarivo. Neuf cent dix organisations de la société civile (OSC) ont conjointement signé un communiqué sans équivoque, déclarant l’appartenance irréfutable de ces îles à Madagascar. Ces OSC dénoncent avec force la mainmise française sur ces territoires. Pour elles, le débat n’a pas lieu d’être : Madagascar est l’unique souverain légitime des quatre îles concernées : Sambatra (Juan de Nova), Ampela (Europa), Bedimaky (Glorieuses), et Kely (Bassas da India).
Une représentante de ces neuf cent dix OSC a martelé le message : « En tant que citoyens Malagasy et acteurs engagés, Nous, les organisations de la société civile, dénonçons le maintien de la mainmise française sur les Îles Éparses comme une atteinte à l’intégrité territoriale de Madagascar ; exigeons la reconnaissance totale et immédiate de la souveraineté de Madagascar sur ces îles, et l’ouverture d’un processus concret et irréversible de leur restitution ; appelons nos pays frères du continent africain, de l’Afrique Australe, des îles voisines de l’Océan Indien, des mouvements panafricains, la Communauté Internationale, ainsi que nos amis 'Organisations de la Société Civile internationales' à soutenir activement la revendication légitime de Madagascar en faveur de son peuple. »
Les yeux sont désormais rivés sur Paris, où se joue une partie cruciale de l'histoire et de la souveraineté malgaches. La délégation est sous le feu des projecteurs, portée par les espoirs et l'exigence d'un peuple.
Ravo Andriantsalama