Un hémicycle clairsemé, une atmosphère tendue et un constat accablant. La séance plénière consacrée au rapport sur les activités de lutte contre la corruption 2024, ce mardi à l’Assemblée nationale Tsimbazaza, a mis en lumière une vérité brutale : le système malgache, bien qu'engagé, est en panne de moyens. Si la volonté d'afficher la lutte est là , l’efficacité des institutions anti-corruption reste gravement entravée.
À 10h30, l'ouverture de la séance s'est faite en présence de seulement huit députés, avec la figure solitaire de Tinoka Roberto au perchoir, assurant la présidence de la séance. Majoritairement issus de l’opposition, les rares parlementaires présents ont pointé du doigt une situation alarmante, alimentée par une perte de confiance généralisée. Siteny Randrianasoloniaiko, brièvement aperçu, s’est éclipsé avant de revenir pour un plaidoyer virulent, tandis que le nombre de députés a péniblement atteint la vingtaine au fil de la réunion.
Le président du Comité pour la Sauvegarde de l’Intégrité (CSI), Jean Louis Andriamifidy, a d’emblée identifié le problème central. Selon lui, « le principal obstacle pour la Lutte contre la Corruption (LCC), ce sont les moyens. Notamment les moyens financiers. Le budget alloué à la LCC baisse d’année en année, comparé à celui de l’État. » Ses pairs du système anti-corruption ont abondé dans son sens. Le directeur général du Bureau Indépendant Anti-Corruption (BIANCO), Ghaby Nestor Razakamanantsoa, a pris l’exemple de leur antenne régionale dans la région de Sofia. Concernant l’ouverture de ce bureau régional à Antsohihy, il a reconnu que « nous attendons encore les moyens nécessaires. Au mieux, l’antenne n'ouvrira qu'en 2026. »
De son côté, la coordinatrice des Pôles Anti-Corruption (PAC), Rivonandrianina Rabarijohn, a enfoncé le clou, soulignant des lacunes bien au-delà du simple financement. Pour elle, un problème logistique criant persiste car le PAC ne dispose que de trois antennes sur le territoire et fonctionne avec seulement trois véhicules pour couvrir parfois jusqu’à 900 km de distance lors d'audiences foraines. « Nous sortons de notre cadre pour former des maires sur les risques juridiques. Nous demandons simplement plus de collaboration et de transparence », a-t-elle plaidé.
« Institutionnalisée »
Conséquence directe de ce manque criant de moyens, la lutte contre la corruption stagne, voire recule. Sur ce sujet, les députés présents à l’hémicycle n’ont pas eu de mots tendres envers les chefs des organismes de lutte contre la corruption, installés dans les sièges visiteurs de la chambre basse. Sophie Ratsiraka, Hanitra Razafimanantsoa ou encore Siteny Randrianasoloniaiko n’ont pas mâché leurs mots. « La corruption est institutionnalisée, certains députés ont même été élus grâce à elle. La Haute Cour de Justice (HCJ) est inopérante. Le système actuel protège plus qu’il ne sanctionne », a fustigé Maître Hanitra.
Même tonalité du côté du septième vice-président de la chambre. « Madagascar a une note de 25/100 dans l’indice de perception de la corruption, devant la Somalie uniquement en Afrique. Sur 180 pays, nous sommes 142ᵉ. Votre SAC (Système Anti-Corruption), est-il là pour vraiment agir ou pour menacer l’opposition ? », a-t-il lancé, suggérant de repousser la discussion à une session plus propice.
En réponse, le président du CSI a avancé que la troisième Stratégie Nationale de Lutte contre la Corruption (SNLCC), qui s’étend sur cinq ans, vise justement à corriger les failles des précédentes. Il a également rappelé que des obstacles juridiques, comme les immunités et privilèges parlementaires, ralentissent considérablement le processus. Mamitiana Rajaonarison, directeur général du SAMIFIN (Service de Renseignement Financier), a quant à lui appelé à la collaboration des parlementaires sur la question budgétaire. « Il suffit de regarder la Loi de finances initiale pour comprendre l’étendue du sous-financement. Il faut nous aider », a-t-il instamment déclaré.
Ravo Andriantsalama