Clôturée vendredi dernier, la première session ordinaire des deux chambres parlementaires n’aura pas dissipé les doutes persistants sur l’effectivité de la séparation des pouvoirs à Madagascar. Le KMF/CNOE - Éducation citoyenne, une des plus anciennes plateformes d’observation citoyenne, monte une fois de plus au créneau.
Le verdict de la société civile est sans appel. Pour Robert Namearson, président national du KMF/CNOE, la frontière entre les pouvoirs exécutif et législatif reste floue, théorique, voire inexistante dans la pratique. « Le gouvernement continue de convoquer les parlementaires à des Conseils des ministres délocalisés, alors qu’il s’agit de deux pouvoirs distincts censés se contrôler mutuellement », déplore-t-il.
La non-adoption d’une loi de finances rectificative pour 2025 cristallise cette dérive institutionnelle. Cette mesure aurait pourtant pu corriger certains dérapages, comme la polémique taxe de 20 % sur les intérêts bancaires, qui pénalisent les épargnants et met à mal la confiance envers le système financier. Mais aucun débat d’envergure n’a eu lieu à l’Assemblée nationale, encore moins au Sénat. La docilité des élus interroge.
Le syndrome de la « boîte aux lettres »
Robert Namearson va plus loin dans sa lecture : « Dans les pays développés, comme les États-Unis, les parlementaires défendent l’intérêt général. Chez nous, le législatif n’est souvent qu’une chambre d’enregistrement des volontés de l’Exécutif. » Cette soumission, selon lui, tient à la nature même du mandat confié aux députés et sénateurs : un mandat encore largement « impératif », dicté par les mots d’ordre des partis politiques au détriment de l’intérêt des électeurs.
Autrement dit, les élus répondent d’abord à leur parti, non à leurs circonscriptions. Une dérive qui contribue à l’affaiblissement de la démocratie parlementaire. La majorité présidentielle, pourtant théoriquement solide, peine à faire preuve d’initiative ou d’indépendance.
 « La séparation des pouvoirs n’est plus qu’un principe inscrit dans la Constitution, pas une réalité vivante », conclut le KMF/CNOE. Et de poser la question qui dérange : Madagascar est-elle réellement un État de droit ? La réponse, en tout cas, sera peut-être esquissée lors de la prochaine session ordinaire du Parlement, prévue en octobre. À l’ordre du jour : l’examen du projet de loi de finances initiale 2026. Un test grandeur nature pour jauger, une fois encore, la vitalité – ou non – des contre-pouvoirs dans le système institutionnel malgache.
Hasina Andriamalala et Ravo Andriantsalama