Le mois d'août est marqué par un événement historique pour Madagascar : la restitution très attendue des restes du roi Toera et de deux chefs de guerre sakalava, jusqu’ici conservés au Muséum national d’histoire naturelle de Paris. Des années de négociations ardues ont été nécessaires pour que la France accepte enfin de signer le décret ouvrant la voie à ce retour. Mais au-delà du geste symbolique, pourquoi ce rapatriement revêt-il une telle importance pour la Grande Île ?
Le retour de ces biens culturels s’inscrit dans une question de mémoire, de dignité et d'identité. Ces cranes dérobés durant la période coloniale pour être envoyé en France. Selon le ministère chargé de la culture, leur rapatriement est une manière de recoller les morceaux de notre passé, permettant ainsi à la jeunesse malgache de se reconnecter avec ses racines.
Des moyens d'accueil encore limités
La question des moyens se pose légitimement. Madagascar dispose-t-elle des infrastructures et des ressources nécessaires pour accueillir ces biens dans les meilleures conditions ? C’est précisément là que réside le défi. Aujourd’hui, Madagascar ne possède pas encore de politique claire et structurée pour encadrer le retour des biens culturels. Par conséquent, il incombe à chaque musée de prendre soin des objets qui lui sont confiés. À titre d'exemple, la couronne de Ranavalona III, rapatriée en 2020, a trouvé sa place au musée du Rovan’i Madagasikara.
Bako Rasoarifetra, experte en muséologie et présidente de l’ICOM Madagascar, souligne l'urgence d'une politique nationale forte : « L’État doit avoir une politique claire de retour des biens culturels. Avant de demander leur rapatriement, il nous faut un lieu pour les accueillir, un expert pour en prendre soin, et un budget pour leur entretien. Mais il faut aussi les faire connaître, les exposer, et sensibiliser tout le monde à l’importance de leur rapatriement et de leur conservation. »
Un devoir de mémoire et une part d'identité retrouvée
Le rapatriement du roi Toera est un geste symbolique fort. Il marque la reconnaissance par la France de la valeur historique et spirituelle de ces restes pour Madagascar. Il incombe désormais à la nation malgache de prendre le relais : les accueillir avec respect, et bâtir des lieux où la culture pourra vivre, inspirer et instruire les générations futures.
Ce n’est pas uniquement une affaire de musées ; c’est un devoir de mémoire, une manière de reprendre notre histoire en main. Le roi Toera rentre enfin à la maison. Et avec lui, une part essentielle de notre identité reprend vie.
Elia Randriamanantena et Ravo Andriantsalama