Le FJKM change de capitaine. Réunis à Taolagnaro hier, les représentants de l’église réformée de Madagascar (FJKM) ont élu le pasteur Zaka Andriamampianina à la présidence pour un mandat de quatre ans. Il succède au pasteur Irako Andriamahazosoa, mais son arrivée à la tête de la troisième confession chrétienne du pays ne se fait pas sans controverses.
L’ambiance à Taolagnaro, quelques jours avant le scrutin, était déjà lourde. Les rumeurs de tractations et de calculs politiques ont circulé, alimentées par la présence de figures proches du parti Tiako i Madagasikara (TIM) dans la course aux postes clés de l’église. Le vote s’est finalement déroulé légalement, mais les débats persistent. Le pasteur Zaka Andriamampianina a été élu par ses pairs. Devant les fidèles et les responsables ecclésiaux, il a livré son premier message en tant que président : « Dire que je suis expérimenté n’est pas bien. Ce qui importe, c’est l’humilité, la confiance en Dieu et la collaboration avec tous. »
Une déclaration empreinte de modestie. Pourtant, derrière cette humilité affichée, le nouveau président est un habitué des arcanes du FJKM : déjà conseiller, puis vice-président, il s’agit de sa troisième expérience au sein de l’instance de décision « mpiandraikitra foibe ». Il dirigera désormais l’église jusqu’en 2029.
L’ombre du TIM
Derrière cette succession, la politique n’est jamais loin. Car dans la foulée, plusieurs figures du TIM ont été propulsées à des postes stratégiques. Le secrétaire général du parti, Rina Randriamasinoro, a été nommé conseiller laïc du FJKM. L’ancien président de la délégation spéciale de la capitale et candidat malheureux à la mairie, Hery Rafalimanana, a pour sa part décroché un siège au sein de l’administration centrale de l’église.
Pour beaucoup, ces nominations confirment la mainmise progressive du TIM sur le FJKM, renforçant l’idée d’une église devenue champ d’influence politique. D’autres y voient au contraire une évolution naturelle et la « volonté de Dieu ».
Un prédicateur déjà controversé
Le pasteur Zaka Andriamampianina n’a jamais déclaré appartenir à une entité politique. Mais certains de ses sermons ont déjà suscité la polémique. En janvier 2023, lors du culte de nouvel an organisé au coliséum d’Antsonjombe en hommage au pasteur Irako Andriamahazosoa, il avait frappé fort devant des milliers de chrétiens : « Un pays n’avance pas lorsque ceux qui arrivent au pouvoir par la fraude électorale ne cherchent que la richesse, le pouvoir et l’intérêt personnel. »
Ces propos avaient immédiatement provoqué des réactions en chaîne. Le gouverneur d’Analamanga, Hery Rasomaromaka, lui-même membre du FJKM, s’était dit indigné. Le député d’Antananarivo V, Naivo Raholidina, avait lui aussi réagi : « La politique n’a pas sa place dans un sermon. Si quelqu’un veut faire un discours politique, cela doit se faire ailleurs. »
Une église au cœur de la vie nationale
Ces tensions ne datent pas d’hier. Depuis l’époque où Marc Ravalomanana est devenu vice-président puis président d’honneur du FJKM vers la fin des années 2000, l’église est régulièrement accusée de s’ériger en religion d’État. La désignation de plusieurs cadres du TIM au sein de la direction du FJKM ne fait que renforcer cette perception.
Mais au-delà des polémiques, le rôle du pasteur Zaka Andriamampianina dépasse le simple cadre religieux. Car dans un pays où les crises politiques sont récurrentes, les chefs religieux jouent souvent un rôle de médiateurs. Son mandat s’ouvre donc avec une double responsabilité : guider spirituellement les fidèles et, peut-être demain, servir d’arbitre en cas de tensions politiques.
Entre foi et politique
L’élection de Zaka Andriamampianina marque un tournant pour le FJKM. Elle ouvre un nouveau cycle de quatre ans, mais laisse en suspens une question centrale : l’église peut-elle rester un sanctuaire spirituel quand la politique y trouve autant de relais ?
Une certitude cependant : que l’on parle de la volonté divine ou d’une stratégie partisane, la présidence du pasteur Zaka Andriamampianina sera scrutée, autant par les fidèles que par les acteurs politiques.
Ravo Andriantsalama