Le scandale des Boeing 777 saisis en Iran, arborant un numéro d’immatriculation malgache, dépasse désormais le simple cadre judiciaire pour devenir une véritable affaire d’État. Vingt-trois personnes sont déjà sous mandat de dépôt provisoire. Mais c’est surtout la comparution attendue de l’ancien ministre des Transports, Valery Ramonjavelo, devant la Haute Cour de Justice (HCJ), qui cristallise toutes les attentions.
Une procédure judiciaire, mais un terrain politique
Sur le papier, la procédure est claire. Une fois transmis à la HCJ, un dossier est relayé à l’Assemblée nationale, qui statue par une mise en accusation et adopte une résolution. Mais comme le souligne le député Mamy Rabenirina, les délais restent flous et les contours de l’enquête manquent de transparence. « La vraie question, dit-il, est de savoir s’il y a eu une plainte en bonne et due forme. Et qui mène réellement les enquêtes parallèles ? »
Derrière ces interrogations juridiques se dessine un enjeu plus large, celui du contrôle politique sur une affaire dont les ramifications dépassent le cadre du ministère des Transports. La convocation ou non d’une session extraordinaire des deux Chambres sera révélatrice de la volonté, ou de la réticence, des institutions à affronter ce dossier explosif avant la session ordinaire d’octobre.
Le député Fetra Rakotondrasoa a été plus direct, « la loi ne doit pas se lire en fonction du visage de l’accusé. Elle s’applique à tous. » Pourtant, la remarque qu’il ajoute en dit long sur la culture politique malgache, la tendance à ménager les grandes figures, celles qui « ont servi la Nation », au risque de retarder ou d’édulcorer l’application stricte du droit.
Maturité démocratique
Cette ambivalence entre respect des notables et exigence d’État de droit illustre l’un des dilemmes majeurs de la gouvernance malgache. Faut-il sacrifier la justice à la préservation des équilibres politiques et sociaux ? Ou au contraire, faire de cette affaire un exemple pour affirmer que plus aucun « grand nom » n’est au-dessus des lois ?
L’affaire Boeing 777 devient ainsi un révélateur. Elle met en lumière les fragilités d’un système où les traditions politiques et sociales pèsent autant que la loi écrite. La comparution de Valery Ramonjavelo devant la Haute Cour de Justice ne sera pas seulement une étape judiciaire, elle sera un test.
Test de la capacité de la justice à fonctionner sans interférence, test de la volonté politique de rompre avec la culture de l’impunité, test enfin de la maturité d’une démocratie qui peine encore à trouver son équilibre entre respect des institutions et poids des figures historiques. Dans les semaines à venir, c’est donc bien plus que le sort d’un ancien ministre qui se jouera. C’est celui de la crédibilité de l’État malgache lui-même.
Ravo Andriantsalama