La filière des huiles essentielles à Madagascar pèse entre 60 et 100 millions de dollars par an. Mais face à la raréfaction des matières premières, le secteur doit repenser son avenir. Pour Andrandraina Rasolonjatovo, président du Groupement des exportateurs, l’investissement dans la culture et la diversification des essences est devenu une urgence nationale.
À Madagascar, le secteur des huiles essentielles mobilise un grand nombre d’opérateurs. Rien qu’au sein du Groupement des exportateurs d’huiles essentielles de Madagascar (GEHEM), on compte déjà 70 entreprises. Chaque année, la filière huiles essentielles et extraits végétaux génère entre 60 et 100 millions de dollars de chiffre d’affaires.
Pourtant, malgré un marché porteur, la concurrence internationale reste rude. « Aujourd’hui, ce sont encore nos concurrents qui dominent les échanges, mais Madagascar dispose de tous les atouts pour s’imposer », estime Andrandraina Rasolonjatovo. Selon lui, la richesse des terres, la jeunesse active et surtout le statut de pays tropical offrent des perspectives uniques pour développer des produits exotiques très prisés sur le marché mondial.
Cependant, la filière traverse une zone d’alerte. « La production augmente, mais les matières premières se raréfient », prévient le président du GEHEM. En cause, la dégradation de l’environnement et le changement climatique. Alors qu’autrefois la cueillette suffisait, il faut désormais planter et étendre les zones de culture pour répondre à une demande locale et internationale en constante progression. Madagascar dispose de 36 millions d’hectares cultivables, mais seulement un tiers est actuellement exploité. « Il est urgent de valoriser ces terres pour les huiles essentielles en parallèle de la production agricole », insiste-t-il.
De la cueillette à la culture : un virage incontournable pour la filière
Le café illustre bien cette problématique. La plupart des plantations datent encore de l’époque coloniale et nécessitent un renouvellement. « Si l’on ne renforce pas la culture, la filière sera fragilisée, car le nombre d’acteurs augmente alors que les matières premières diminuent », avertit Rasolonjatovo.
Malgré ces défis, des signaux encourageants apparaissent. De nouvelles essences prennent leur envol à Madagascar, comme le patchouli, dont la production explose dans le nord de l’île. Très demandé à l’international, ce marché traditionnellement dominé par l’Indonésie offre une opportunité majeure. Le vétiver, autre produit phare, connaît également une forte progression à l’exportation. « Haiti a longtemps occupé la première place, mais ses crises politiques ont ouvert une brèche. Madagascar s’impose désormais comme un concurrent direct », explique le président du GEHEM.
Le géranium est également en plein essor, tandis que le ravintsara, qui avait explosé durant la pandémie de Covid-19, voit sa demande ralentir. « Cela prouve qu’il est indispensable de réaliser en permanence des études de marché pour anticiper les tendances », souligne Rasolonjatovo.
Pour lui, l’avenir de la filière repose sur deux leviers : élargir les surfaces cultivées et diversifier les essences. « Les huiles essentielles peuvent devenir un moteur du développement économique du pays si nous investissons dans la culture et la valorisation durable de nos ressources. »
Ravo Andriantsalama