Ce matin, dans la salle des Présidents de l’Université d’Antananarivo, un professeur étranger mais familier de la biodiversité malgache, Peter Michael Kappeler, chercheur allemand actif dans le pays depuis plus de 30 ans, a reçu la distinction honorifique de docteur honoris causa. Une reconnaissance qui sonne comme la récompense de son engagement depuis les années 1990.
« Bien que je ne sois pas musicien, je me sens un peu comme un chef d’orchestre qui reçoit un prix pour ses longues années de travail », a-t-il déclaré en ouverture de son discours, après avoir été investi de l’épitoge par le président de l’Université. Ces mots rendaient hommage à ses collègues et collaborateurs qui, depuis des décennies, l’accompagnent dans sa quête de préservation de la biodiversité malgache, en particulier celle des lémuriens, qu’il étudie et affectionne particulièrement.
Selon Fanomezana Mihaja Ratsoavina, responsable de la mention Zoologie et Biodiversité animale à la Faculté des Sciences et à l’origine de la proposition au conseil scientifique, ce titre honorifique est amplement mérité : « Sur ses 355 publications scientifiques, 225 concernent directement les lémuriens, espèces endémiques de Madagascar. Ses travaux représentent une contribution majeure et incontournable pour la recherche et la préservation de la biodiversité malgache. » Elle rappelle également son engagement en faveur de la formation locale, puisqu’il soutient financièrement chaque année quatre étudiants malgaches afin qu’ils puissent poursuivre un master, un appui déterminant pour ceux qui n’en auraient pas les moyens.
Crise de la biodiversité
Dans son allocution, empreinte d’émotion et de gratitude, Peter Kappeler a insisté sur le caractère collectif de son œuvre scientifique. Se comparant à un chef d’orchestre, il a tenu à saluer ses collègues malgaches et internationaux, les institutions académiques, ses assistants de terrain ainsi que plus d’une centaine d’étudiants malgaches qu’il a formés au fil des années, aux côtés de nombreux étudiants étrangers venus à Kirindy. « C’est au nom de tout cet orchestre que je reçois cette distinction », a-t-il affirmé.
Revenant sur son parcours, il a rappelé que son aventure scientifique avait commencé en 1984, lorsqu’un lémurien lui tendit la main au Duke Lemur Center aux États-Unis. Depuis, il a consacré plus de trois décennies à l’étude du comportement des primates malgaches et à la protection de la biodiversité unique de l’île. Tout en exprimant son inquiétude face aux menaces pesant sur certaines espèces emblématiques, comme le microcèbe de Madame Berthe (Microcebus berthae), il a souligné la nécessité de décisions politiques fortes et d’une coopération étroite entre chercheurs, autorités et ONG pour préserver les forêts. En conclusion, il a appelé la jeune génération de scientifiques à poursuivre ce combat afin d’éviter une « crise totale de la biodiversité » et de garantir un avenir durable pour Madagascar et pour l’humanité.
Ravo Andriantsalama