Ce matin, à son esplanade à Ankatso, l’université d’Antananarivo a accueilli la naissance d’un nouvel acteur du débat sanitaire : le Centre d’étude et de recherche en économie de la santé (CERES). À sa tête, le Professeur Blanche Nirina Richard, économiste chevronnée, qui revendique un credo simple : « Nous développons la recherche par la recherche ».
Former pour éclairer les décisions
Pour Blanche Nirina Richard, l’économie de la santé n’est pas une discipline abstraite. C’est un outil, parfois décisif, pour aider les autorités à choisir entre plusieurs politiques sanitaires et à hiérarchiser les projets. « Nous formons, nous encadrons, nous évaluons », explique-t-elle. « L’objectif est de donner aux décideurs les moyens de minimiser les coûts tout en atteignant les objectifs de santé publique avec les ressources disponibles, qu’elles soient financières, techniques ou humaines », poursuit-elle.
Le CERES, rattaché à la mention économie de la faculté EGS, veut être ce lieu où la recherche académique se met au service des réalités du pays. Des partenariats existent déjà , tant avec les universités malgaches qu’avec des institutions internationales, ainsi qu’avec les organes liés au ministère de la Santé publique, comme l’Institut national de santé publique et communautaire (INSPC).
Le champ d’exploration est vaste. Les chercheurs du CERES travaillent sur les grandes épidémies tels le VIH/Sida, la tuberculose, le paludisme, la peste, ou encore le Covid-19, mais aussi sur la gestion des structures sanitaires, des hôpitaux aux Centres de santé de base (CSB). L’accès aux soins occupe une place centrale : comment se soigner lorsque l’on n’a pas les moyens financiers ? Quels sont les obstacles qui empêchent les patients de recourir au système formel ? Souvent, répond le Pr. Nirina, ce sont des problèmes de gestion, un manque de personnel ou l’absence de responsables qui paralysent la machine.
Entre science et décisions politiques
Autre objet d’étude : la médecine traditionnelle. Désormais reconnue officiellement par le ministère, elle mérite, selon le CERES, une place spécifique dans l’organisation sanitaire nationale. « Nous analysons la manière dont cette médecine, déjà largement pratiquée, peut coexister avec la médecine moderne dans un cadre mieux défini », souligne la professeure.
Reste une question cruciale : l’État se saisira-t-il de ces travaux pour corriger les inégalités d’accès aux soins ? Le Pr. Blanche Nirina Richard répond avec prudence. Selon elle, « les économistes proposent toujours des projets, mais ce sont les décideurs qui tranchent. Or leurs priorités ne coïncident pas toujours avec nos recommandations. La mise en œuvre d’une politique ne dépend pas uniquement des arguments économiques. »
Pour renforcer l’impact de la recherche, le CERES et le ministère de la Santé prévoient la création d’une équipe d’économistes de la santé et le lancement prochain d’un master spécialisé à l’université d’Antananarivo. L’objectif est de former une nouvelle génération de chercheurs capables de traduire les données scientifiques en politiques publiques.
Entre pragmatisme et ambition, le Pr. Blanche Richard Nirina trace ainsi une voie : faire de l’économie de la santé un outil au service de l’équité sanitaire. Une discipline qui, à Madagascar, sort enfin de la confidentialité pour devenir un levier stratégique.
Ravo Andriantsalama