Prévue par la Constitution, la Haute Cour de Justice (HCJ) peut juger le Président de la République et les plus hauts responsables de l’État pour des crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions. Derrière ses procédures complexes, une question : s’agit-il d’un outil de justice ou d’un rempart politique ?
Il existe, dans la Constitution, une juridiction discrète mais redoutable : la Haute Cour de Justice, plus connue sous le sigle HCJ. Elle n’agit pas tous les jours. Elle n’apparaît qu’en cas de crise, quand le droit et la politique se croisent, quand la responsabilité des plus hauts dirigeants de l’État est mise en jeu.
La Constitution malgache, dans ses articles 131 à 136, a prévu son existence. La loi 2014-043 en détaille les rouages. Derrière ces textes, une idée : que nul ne soit au-dessus de la loi, pas même le Président de la République, pas même les présidents des assemblées ou les ministres. « La Haute Cour de Justice est une institution prévue par la Constitution, et les procédures qui y sont liées sont claires : tout commence par une requête », explique Raby Savatsarah, député et membre de la HCJ venant de l’Assemblée nationale.
Une mécanique lourde et exigeante
Concrètement, cette requête peut être déposée par toute personne, physique ou morale. « Elle doit être adressée au procureur général de la Cour suprême, qui a l’initiative des poursuites et qui vérifie d’abord sa recevabilité », précise le parlementaire. Si le dossier est jugé recevable, il est transmis au président de l’Assemblée nationale.
C’est alors que la politique prend le relais. Le bureau permanent crée une commission d’enquête spéciale. « Les députés membres de la HCJ n’ont pas le droit d’y siéger », insiste Raby Savatsarah. Cette commission prépare un rapport et propose une mise en accusation qui doit être votée par l’Assemblée plénière. Pour les ministres, le Premier ministre ou encore le président de la HCC, la majorité absolue suffit.
Le cas du Président de la République est plus particulier. La mise en cause ne peut être examinée qu’en session ordinaire, et son adoption exige une majorité des deux tiers. « La requête contre le Président n’entraîne pas la suspension de son mandat. Il continue à exercer ses fonctions jusqu’à la fin de la procédure », souligne le député.
Dans les textes, tout est clair, tout est ordonné. Mais dans les faits, la HCJ reste une forteresse rarement ouverte. Peu de dossiers franchissent les filtres du parquet et du Parlement. Reste que son existence est un symbole : « Même au sommet de l’État, nul n’est au-dessus de la loi », conclut Raby Savatsarah.
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Les zones d’ombre du dossier Ramonjavelo
L’ancien ministre des Transports, Valery Ramonjavelo, se retrouve au cœur d’un scandale qui embarrasse l’État. L’affaire des cinq Boeing 777 immobilisés en Iran aurait déjà franchi les couloirs judiciaires. Selon nos informations, le dossier serait désormais entre les mains de la Haute Cour de Justice (HCJ). Interrogé sur ce point, le député Raby Savatsarah, membre de la HCJ, a confirmé l’existence de la procédure mais n’a pas souhaité livrer davantage de détails.
Silence aussi du côté de l’ancien ministre, limogé le mois dernier dans un contexte de tensions politiques. Depuis, Valery Ramonjavelo garde le mutisme absolu, loin des micros et des caméras. Un silence qui nourrit encore plus les spéculations autour de ce dossier sensible, où se mêlent enjeux diplomatiques, soupçons de mauvaise gestion et responsabilité politique au plus haut niveau.
Ravo Andriantsalama