Les délestages et les coupures d’eau font partie du quotidien des Malgaches depuis plusieurs années. La grogne populaire ne cesse de s’accentuer depuis quelques semaines. Des tractations et des appels à descendre dans les rues pour protester inondent les réseaux sociaux, tandis que les autorités prônent la paix au nom de la stabilité. Aujourd’hui, la population se retrouve prise entre deux feux : faut-il protester ou se résigner ?
« Recourir à la violence n’est pas une solution. » Ce sont les mots du ministre de l’Énergie et des Hydrocarbures, hier soir, dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux. Des propos fermes destinés à dissuader la population de manifester contre les coupures d’électricité et d’eau dans la capitale ainsi que dans la plupart des grandes villes du pays, les autorités sont déjà à pied d’œuvre pour apporter des solutions, assure-t-il. La colère populaire a en effet pris une nouvelle tournure ces derniers jours face aux problèmes énergétiques. D’un côté, certains conseillers municipaux de la Commune urbaine d’Antananarivo (CUA) prévoient une manifestation ce jeudi à Ambohijatovo.
De l’autre, les étudiants de l’École supérieure polytechnique d’Antananarivo (ESPA) à Vontovorona n’ont pas attendu jeudi pour agir. Hier déjà , ils se sont heurtés violemment aux forces de défense et de sécurité. L’affrontement a fait des blessés dans les deux camps. Reste à savoir si les étudiants de Vontovorona rejoindront la manifestation de jeudi.
Parmi les conseillers municipaux à l’initiative de la manifestation baptisée « Leo délestage » figurent plusieurs élus de l’opposition. Les leaders de la plateforme Firaisankina se sont même réunis hier pour préparer ce qui devrait être le premier grand rassemblement de l’année contre le régime Rajoelina. Cette mobilisation donne une teinte politique à la manifestation et risque de transformer ce qui devait être un mouvement populaire en un mouvement de l’opposition. Une situation qui pourrait s’avérer délicate pour la population, compte tenu de la politisation croissante de l’événement.
Une coloration politique
La tenue de la manifestation dépend désormais de la décision de la préfecture de la capitale. La demande d’autorisation a été déposée hier matin au bureau du préfet à Tsimbazaza. En attendant la réponse d’Angelo Ravelonarivo, préfet d’Antananarivo, une autre partie de la population, les marchands de rue, est descendue dans les rues de la capitale. Non pas pour protester contre les délestages et les coupures d’eau, mais pour dénoncer la manifestation prévue après-demain. On pouvait lire sur une pancarte : « Tsy mila korontana fa izahay mila mitady vola », ce qui signifie littéralement : « Nous ne voulons pas de désordre, nous voulons travailler. »
La population tananarivienne apparaît ainsi divisée : d’un côté ceux qui veulent exprimer leur mécontentement face aux problèmes énergétiques, de l’autre ceux qui préfèrent poursuivre leurs activités quotidiennes sans se mêler aux manifestations. Une chose est sûre : le peuple est aujourd’hui coincé entre le marteau des délestages et coupures d’eau et l’enclume du maintien de la paix et de la stabilité.
Ravo Andriantsalama