Le président Andry Rajoelina a pris la parole hier soir sur VIVA TV depuis un lieu tenu secret. Officiellement, il se protège d’une tentative de coup d’État. En réalité, il a quitté Madagascar et se cache. Pourtant, malgré la fuite, il refuse de lâcher le pouvoir.
Il a parlé depuis l’ombre. Il aura fallu plusieurs jours de rumeurs et de silence avant que la voix du président ne réapparaisse. Dans un discours d’un ton grave, Andry Rajoelina a confirmé ce que tout le monde savait déjà : il n’est plus sur le territoire national. « J’ai quitté le pays pour des raisons de sécurité », a-t-il déclaré, évoquant des menaces contre sa vie et des mouvements militaires hostiles. Aucune précision sur le lieu où il se trouve, aucune image récente, seulement un décor neutre et des mots choisis pour rassurer sans convaincre.
La scène politique malgache n’en finit plus de tanguer. Selon plusieurs sources concordantes, le chef de l’État aurait été exfiltré vers La Réunion par un avion militaire français, dans la nuit de samedi à dimanche. Un départ précipité après une tentative de mutinerie au sein du CAPSAT, une unité de l’armée qui aurait cherché à prendre le contrôle de la télévision nationale. Dans le même temps, des proches du pouvoir, ministres, conseillers, hommes d’affaires, ont eux aussi quitté discrètement le pays.
« Télétravail »
Depuis l’étranger, Rajoelina continue pourtant de se poser en garant de la légitimité institutionnelle. Il rejette toute idée de démission et invoque sans relâche la Constitution. « Je reste le président élu du peuple malgache », martèle-t-il, appelant au calme et au dialogue national. Mais ses mots sonnent creux. Dans les rues d’Analakely et d’Ambohijatovo, les manifestants réclament toujours son départ. Le mouvement de la Génération Z, né d’un ras-le-bol face aux coupures d’eau et d’électricité, s’est transformé en contestation politique de grande ampleur.
À mesure que le président s’éloigne, son autorité s’effrite. Le gouvernement se disloque, les institutions vacillent, et les forces armées se divisent. L’image d’un chef d’État réfugié à l’extérieur du pays, tentant de diriger à distance, illustre la fragilité du régime. Pour l’instant, Rajoelina ne démissionne pas. Il s’accroche, mais son absence physique du territoire sonne déjà comme une défaite. Le pouvoir, lui, semble peu à peu changer de mains, celles de la rue et des militaires.
Ravo Andriantsalama