L’historien Denis Alexandre Lahiniriko revient sur la nécessité d’organiser une nouvelle concertation nationale à Madagascar. Selon lui, cette initiative doit permettre au peuple de définir la vision du pays, mais aussi d’éviter de répéter les erreurs du passé. Il plaide pour une participation de toutes les forces vives, y compris les jeunes, tout en repensant le rôle du conseil œcuménique des églises chrétiennes de Madagascar (FFKM).
Studio Sifaka (SS) : Quelle est, selon vous, la véritable raison d’être d’une concertation nationale ?
Denis Alexandre Lahiniriko (DAL) : En résumé, il s’agit de répondre à un besoin de changement. C’est ce que réclame le peuple depuis le début du mouvement : une transformation en profondeur du système. Si cette réforme doit venir du peuple, alors il faut l’interroger, toutes les forces vives de la Nation, pour connaître leurs aspirations. La concertation nationale permet justement de recueillir la vision du peuple, de comprendre quel type de structure et de développement il souhaite pour le pays.
SS : Combien de concertations nationales ont déjà eu lieu dans notre histoire, et ont-elles eu des effets concrets ?
DAL : À chaque crise, ou presque, Madagascar a connu une forme de concertation nationale. En 1972, en 1991, en 2009… même si certaines périodes, comme 2001-2002, ont été plus floues. À chaque fois, il s’agissait de demander à la population comment améliorer la gouvernance du pays. Mais ces initiatives n’ont pas toujours abouti, faute d’application des visions proposées.
SS : Pourtant, ces concertations n’ont pas empêché les crises successives. Pourquoi ?
DAL : Deux raisons principales. D’abord, les résolutions issues des concertations précédentes n’ont jamais été mises en œuvre. Ensuite, ces concertations ont souvent été dominées par des intérêts corporatistes : chaque groupe défendait sa position, sans vision d’ensemble. Résultat : des propositions contradictoires, une gouvernance affaiblie et un développement inexistant. Si nous traversons encore une crise en 2025, c’est bien la preuve que les précédentes concertations n’ont pas été appliquées ou n’ont pas atteint leur but.
SS : Certains estiment que le FFKM devrait diriger cette concertation. Qu’en pensez-vous ?
DAL : Dans notre société, le FFKM est perçu comme un « parent », une autorité morale. Ce n’est donc pas un problème qu’il soit associé à la direction de la concertation. Mais le danger, c’est de réduire la politique à une affaire de famille : les « parents » décident, les « enfants » obéissent. En 2025, les jeunes se sont levés et veulent désormais être entendus. La concertation nationale doit inclure toutes les forces vives ; institutions, société civile, organisations, jeunes ; dans une plateforme ouverte.
Le gouvernement, lui, doit gérer la transition, tandis que la présidence de la refondation devrait garantir cet espace de dialogue. Si l’on répète les mêmes schémas qu’autrefois, sans remise en question, les échecs se reproduiront. Il est temps de changer réellement la méthode.
Propos recueillis par Ravo Andriantsalama





