Le secteur privé pousse pour une refonte profonde de la stratégie économique nationale. Lors de la 8ème table ronde économique des secteurs privés et publics malgaches au Radisson blu Ankorondrano ce matin, les échanges n’ont pas été mous. Alors que trois quarts des entrepreneurs évoluent encore dans l’informel, industriels et économistes convergent sur un même point : sans réforme fiscale et sans vision solide, la relance restera un slogan.
La matinée a démarré fort. Tiana Rasamimanana, président du Syndicat des industries de Madagascar (SIM), a planté le décor d’entrée : 75% de l’entrepreneuriat malgache vit toujours en dehors du cadre formel. Une réalité qui pèse sur les recettes publiques et qui fragilise la base même de l’économie. « Trop d’impôt tue l’impôt », lâche-t-il. Les opérateurs étouffent, la machine se grippe, l’État peine à remplir ses caisses. Une logique simple, mais oubliée depuis trop longtemps selon lui.
Pour le SIM, un vrai dialogue public-privé doit enfin voir le jour. Pas seulement avec les Impôts et la Douane, mais aussi avec l’Économie, capable d’anticiper l’impact des décisions. L’objectif : éviter les politiques contradictoires et donner un cap durable. Les centres de gestion agréés existent déjà pour aider les petites entreprises à migrer vers le formel. Mais là encore, l’enjeu est fiscal. Une TVA à 20% suffit aujourd’hui à dissuader de nombreux opérateurs qui, faute de moyens, préfèrent retourner dans l’ombre. « On doit faire respirer le moteur pour qu’il puisse repartir », défend Rasamimanana.
Les grands informels, l’autre angle mort
L’économiste Jean Gabriel Randrianarison a mis un autre point sensible sur la table : les « grands informels ». Ces acteurs pèsent lourd en chiffre d’affaires mais échappent encore aux filets de l’État. « Je ne suis pas sûr qu’une démarche volontaire suffise. Il faudra peut-être une approche plus ferme », glisse-t-il. L’informel, rappelle-t-il, fonctionne surtout comme un refuge pour ceux qui n’ont pas trouvé d’emploi formel. Ceux-là quitteraient sans hésiter leur activité si une opportunité salariale s’ouvrait.
Randrianarison confirme aussi l’importance stratégique de l’énergie. Une analyse menée sur le secteur électrique montre qu’une simple satisfaction des besoins des entreprises ferait grimper la valeur ajoutée nationale. Autrement dit : de la richesse en plus, du PIB en plus.
Sa principale inquiétude reste ailleurs : l’instabilité chronique des stratégies de développement. Du plan quinquennal au Livre rouge, du Document Cadre de Politique Economique (DCPE) au Doument Stratégique de Réduction de la Pauvreté (DSRP), du Madagascar Action Plan (MAP) à l’Initiative pour l’Emergence de Madagascar (IEM), la liste est longue et les ruptures constantes. « Une relance n’a de sens que si elle s’inscrit dans un cadre stratégique plus large et durable », prévient-il.
Dernier point noir : l’accès aux données. L’open data peine à exister à Madagascar. Les statistiques officielles sont trop faibles pour guider les décisions publiques. Les économistes doivent jongler avec les chiffres de la Banque centrale, des bailleurs, ou d’autres sources. Pas l’idéal pour piloter une relance censée être structurante. Un constat partagé : pour sortir du cercle informel et remettre l’économie sur ses rails, il faut une stratégie claire, stable et nourrie par des données fiables. Sans cela, la relance restera un mot, et non un mouvement.
Ravo Andriantsalama
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