Raytra Belaw’yck 25 ans, de son vrai nom Setraniaina Randriamialimanana, fait partie des nouvelles têtes du stand up. Il est connu pour son humour noir et acerbe qui dépeint sans détour certaines réalités dans le pays. A la tête de l’association Gasy Stand Uppers, il se donne pour mission de promouvoir le stand up à Madagascar. Dans ce sens, il organise cette semaine la deuxième édition du festival du rire Jôkôsô. Interview avec un jeune homme animé par une passion débordante.
Studio Sifaka : Jôkôsô ?
Raytra Belaw’yck : Dans l’association Gasy Stand Uppers ou GSU, nous voulons promouvoir le stand up à Madagascar. Nous sommes 17 membres actifs. Chacun peut avoir un projet. Le mien c’est Be Tige à travers lequel j’organise des évènements dont le festival Jôkôsô qui se tiendra du 17 au 20 novembre. C’est la deuxième édition. Nous prévoyons 35 artistes de toutes les générations, des piliers de l’humour malgache à la nouvelle génération en passant par le middle school.
A part les spectacles, qu’est-ce qu’il y aura d’autres ?
Ces artistes se produiront dans plusieurs endroits dans la capitale. A l’IKM, au Madagascar Underground, à la Maison de l’entrepreneuriat, à l’Alliance français pour la scène francophone et au Kudéta. A part les spectacles, il y aura des ateliers le 18 novembre.
Est-ce qu’on peut apprendre à faire du stand up ?
Oui. Il n’y a qu’au Canada qu’on trouve une formation pour devenir stand upper, à l’Ecole nationale de l’humour. Il y en a aussi en France mais au Canada c’est vraiment une université. Sinon, on peut trouver des leçons sur internet avec des livres sur comment faire du stand up.
En suivant vos actualités, on voit que vous prodiguez également des formations …
Nous faisons surtout des ateliers. Nous apprenons et nous partageons ce que nous avons appris. Nous avons trouvé qu’il n’y a pas assez de relève à Madagascar dans le stand up. C’est pour cela que nous avons créé Gasy Stand Uppers.
L’humour en général s’est beaucoup développé ces dernières années à travers les réseaux sociaux. Comment trouvez-vous cela ?
Il y a plusieurs types d’humour. Ce sont des arts différents mais cela entre toujours dans l’humour. Nous, nous sommes dans le stand up. C’est plus difficile par que c’est un art de scène. C’est un spectacle vivant. On a besoin de public pour nous regarder.
Tout d’abord. Comment êtes-vous tombés dedans ?
J’ai eu mon baccalauréat en 2016, j’avais 19 ans. J’ai participé à un concours d’humour à Ankatso. Mais les scènes étaient rares. C’est en 2019 que je me suis vraiment focalisé dans le stand up après avoir tâtonné à l’université.
Comptez-vous en faire une carrière ? Â
Oui. Je compte faire carrière dans l’humour. J’ai fait de la gestion, du mandarin, de l’anglais et de la sociologie à Ankatso. A la base je voulais faire médecine mais je n’ai pas pu intégrer la série D (rires). J’ai surtout lu un article sur les bienfaits de l’humour et cela m’a convaincu.
Parlons de votre humour. Vous avez un style particulier avec des textes assez trash. Comment le public accueille-t-il vos prestations ?
Beaucoup de malgaches ne supportent pas le second degré, surtout avec moi qui verse dans l’humour noir. Beaucoup de personnes sont choquées. Puis, quand c’est un peu poussé, le public ne suit pas forcément donc il faut adapter le texte pourtant j’aimerai faire monter le niveau. Il y a très peu gens qui comprennent ce que je veux dire.
Avez-vous déjà eu des problèmes avec vos textes ?
Souvent (rire). L’ethnie par exemple. Je suis banni d’un endroit à cause de mes blagues. Il m’est arrivé de me faire insulter en plein spectacle.
Mais avez-vous un objectif à travers ce que vous dites ?
L’humour permet de transmettre des messages. Mon message à moi c’est de lutter contre la discrimination mais les Malgaches ont tendance à prendre au premier degré. Ils ne prennent pas de recul. C’est pour cela qu’à chaque fois que je vais me présenter, je préviens toujours que c’est pour un public averti. Il faut avoir de l’ouverture d’esprit pour venir à mes spectacles. Â
Ne craignez-vous pas que vos blagues ne renforcent au contraire les préjugés ?
Non parce que je m’adresse à des personnes initiées. Il y a des gens qui ne m’aiment pas après avoir vu mes spectacles, mais il y a des gens qui sont prêts à me suivre. Mais je le fais surtout pour parvenir à mes fins. Je veux vraiment lutter contre la discrimination à travers mes textes comme le racisme et autres. J’ai fait par exemple un spectacle contre l’homophobie qui s’intitule « Gros Pédé va ».
Mais cela ne limite-t-il pas votre public ?
Beaucoup de personnes ne m’aiment mais j’apprends toujours à adapter mes textes pour toucher le maximum de personnes et faire passer le message.
Avez-vous déjà fait de l’autocensure durant un spectacle ?
Oui. C’est obligé. Il faut savoir qui on a devant soi avant dire quoi que ce soit. Il m’est arrivé d’amputer une partie de mon texte à cause de gens du gouvernement qui étaient dans la salle. Je ne savais pas qu’ils allaient venir. Au dernier moment, j’ai enlevé toute la partie qui vannait le gouvernement. Je n’ai pas envie d’avoir des problèmes (rires).  Je demande toujours aux organisateurs ce que je peux dire ou pas avant de me produire.
Combien de spectacles avez-vous écrits et produits jusqu’ici ?
J’ai trois spectacles d’une heure. Il y a « Gros pédé va », « Ankazomiriotra », un spectacle sur la localité d’où je viens et « Vénèr » sur ce qui m’énerve à Antananarivo.
D’après vous, qu’est-ce qui manque actuellement au stand up pour qu’il se développe ?
Je pense que c’est la visibilité. Personnellement j’organise de petits évènements au Kudéta et nous gagnons un peu d’argent mensuellement. L’argent je l’investis directement. C’est la visibilité car je pense que les gens aiment et sont prêts à payer. Ce n’est pas encore tout le monde mais ça va venir.
Propos recueillis par Tolotra Andrianalizah