Banky Foiben’i Madagasikara lance le "eAriary", une monnaie numérique une initiative tellement nouvelle qu’elle suscite des questions pratiques. Le Gouverneur de BFM a accordé une interview pour clarifier la nature de cette innovation, ses particularités, son origine, son impact économique et la motivation qui sous-tend ce projet.
Studio Sifaka (SS) : Qu’est-ce que le eAriary et qu'est-ce qui le rend unique ?
Aivo Andrianarivelo (AA) : Le eAriary est une monnaie numérique, dématérialisée, que les citoyens pourront utiliser pour leurs besoins quotidiens à Madagascar. Contrairement aux services de mobile money (comme MVola, Orange Money ou Airtel Money), qui sont des moyens de paiement nécessitant un rechargement préalable d'un compte, le eAriary est une véritable monnaie numérique émise par la Banque Centrale de Madagascar. Il aura la même valeur que l'argent liquide et sera directement utilisable au quotidien.
Sa principale particularité réside dans sa simplicité d'utilisation et son accessibilité. La Banque Centrale n'a pas pour objectif de maximiser les commissions, mais d'encourager son adoption par la population. Une technologie simple et universelle sera privilégiée. Par exemple, pour l'État, le eAriary permettra de transférer directement des aides financières aux bénéficiaires.
Les frais de service pour les utilisateurs seront très faibles. Un simple téléphone suffira pour effectuer des transferts d'argent. Payer une facture Jirama ne nécessitera plus de faire la queue ; le paiement se fera à distance à un coût très réduit. Les personnes âgées ou vulnérables n'auront plus à se déplacer, l'argent arrivant automatiquement dans leur portefeuille numérique. Pour le paiement des impôts, les contribuables n'auront plus besoin de transporter de l'argent liquide, l'administration recevant directement le montant dû. Ce système permettra également à la Banque Centrale de lutter plus efficacement contre la corruption.
SS : D'où vient le eAriary et comment l'obtenir ?
AA : Le eAriary proviendra des salaires, des pensions et de toutes les autres formes de revenus quotidiens. Les utilisateurs n'auront pas besoin de remplir de conditions spécifiques pour l'obtenir. Il leur suffira de posséder un téléphone ou une carte de paiement, sans les frais généralement associés aux systèmes comme Visa ou Mastercard.
SSÂ : Le eAriary est-il un concurrent des services de mobile money ?
AA : Non, le eAriary n'entre pas en concurrence avec les services de mobile money ; il les complète. Le eAriary n'est pas qu'un simple moyen de paiement, c'est une véritable monnaie que les utilisateurs pourront dépenser librement. La banque centrale ne "vend" pas de eAriary. Elle prévoit d'utiliser les services de mobile money comme canaux de distribution et d'utilisation. L'objectif est de réduire les frais pour les utilisateurs, et non d'en ajouter.
SS : Quel impact sur l'économie ?
AA : Le eAriary ne créera pas de nouvelle monnaie ; ce n’est qu’un changement de forme de la monnaie existante. Son impact sur l'économie ne devrait donc pas être majeur. La banque centrale vise avant tout à offrir un outil pratique et utile aux consommateurs.
SS : Quelle est la motivation principale derrière le projet eAriary ?
AA : La mission fondamentale de la banque centrale est de suivre les flux monétaires dans tout le pays. Actuellement, cette visibilité est limitée, même lorsque les citoyens utilisent des services de mobile money en ayant un compte bancaire. Cette situation nuit à la transparence économique. Le eAriary a donc pour objectif principal d'améliorer cette traçabilité, tout en facilitant les transactions financières pour la population.
Propos recueillis par Ravo Andriantsalama