Une femme sur trois subit des violences physiques ou sexuelles au cours de sa vie. Les défenseurs des droits de la femme sont particulièrement au taquet, en cette période de confinement. Plusieurs pratiques qui nuisent aux femmes persistent en effet, malgré leurs efforts.
 Interview croisée avec le sociologue Todisoa Laurent Andriantantely, et l’anthropologue Louis Zo Rabearison.
Qu’est-ce qu’on entend par pratiques nuisibles aux femmes ?
Louis Zo Rabearison : Ce sont des habitudes qui se transmettent de générations en générations, d’un groupe à l’autre. Elles sont considérées comme obstacles à l’épanouissement des femmes. L’attribution systématique et exclusive des tâches ménagères aux femmes par exemple, même si elles ont également un travail à temps plein.
Pouvez-vous donner des exemples concrets de la manifestation de ces pratiques ?
Todisoa Laurent Andriantantely : Comme ce sont des habitudes, elles sont devenues un réflexe chez la plupart des gens. Par exemple quand un couple rentre chez lui, la femme se dirige automatiquement vers la cuisine pendant que l’homme va lire le journal. Sur le moment, personne ne se rend compte que quelque chose cloche. Cette femme va transmettre cette vision de la femme à sa fille et faire perdurer la pratique : « tu es une femme, tu dois savoir entretenir ta maison, c’est ton devoir ».
Les lois malgaches reconnaissent pourtant l’égalité des sexes, pourquoi cela ne suffit pas à mettre fin à ces pratiques ?
Louis Z.R : Tout simplement parce que les valeurs traditionnelles priment sur les nouvelles lois. Les changements apportés ont été trop brusques donc la plupart des gens ne se les approprient pas.
Todisoa L.A : Ces lois ont surtout été élaborées sur la base des objectifs visés et non en fonction des besoins réels de la population. La question de la parité du gouvernement par exemple. La population n’a pas besoin de voir le même nombre de ministres femmes et hommes. Elle a besoin de ministres compétents (femme ou homme). La condition « parité du gouvernement » suggèrerait que certaines femmes auront accès au poste parce que ce sont des femmes (pour atteindre le quota) plutôt que grâce à leurs compétences.
Comment mettre fin à ces pratiques ?
Todisoa L.A : Il ne faut pas compter sur la sensibilisation, c’est trop éphémère. La déconstruction de ces pratiques doit absolument passer par l’éducation. Les films malgaches par exemple favorisent encore énormément les clichés sur la femme. Il faut que cela change.
Louis Z.R : Une éducation culturelle pour chaque catégorie d’âge s’impose. Les Malgaches doivent redécouvrir leur culture puis comprendre l’utilité et la valeur de chaque pratique. Ils pourront alors trier ce qu’il faut garder ou rejeter et définir eux-mêmes quelle place attribuer aux femmes de nos jours.