Alors que la pénurie d’eau s’intensifie à Antananarivo pour toucher de nouveaux quartiers, les porteurs d’eau sont plus que jamais sollicités. Qui sont ces hommes et femmes aux bidons jaunes ?
Dimanche aux environs de 20 heures. Lova, 37 ans, arpente les ruelles du quartier d’Anjanahary pour récupérer les bidons jaunes vides. Sur son chariot de bois, plus d’une cinquantaine de ces bidons sont soigneusement empilés. Il tire son attelage jusqu’à la borne fontaine d’Ambatomainty, le quartier voisin. Il y attendra que la borne s’ouvre. Vers 1 heure du matin. « Je serai pratiquement le premier. Nous sommes entre quatre et cinq à être là à l’ouverture du robinet », indique Lova. Lova, un enfant du quartier, a choisi depuis quelques années de se mettre au service des familles qui n’ont pas l’eau courante chez eux. Bien qu’il ait trouvé un travail comme agent de sécurité, il continue d’apporter de l’eau chez ses clients durant ses jours de off. « Je viens juste de rentrer du boulot. Une fois que mes bidons sont remplis, je vais les distribuer au petit matin, vers 5 heures », explique-t-il. Agent de sécurité et porteur d’eau. Les semaines de Lova sont rythmées par ces jours de off. « Généralement, je fais porteur d’eau trois fois par semaine. Des fois je suis tenté de faire plus mais mon organisme n’arriverait pas à suivre ». Avec les problèmes d’approvisionnement en eau de la Jirama, de nouvelles familles sollicitent ses services. Lova préfère cependant limiter ne nombre de ses clients. Pour ne pas se perdre dans l’amas de bidon, il ne se sépare jamais d’un marqueur pour indiquer le nom des propriétaires.
Horaires
Comme Lova, « Ra-Martin » est également porteur d’eau à Anjanahary à la différence qu’il a pratiquement le double de son âge, 66 ans. Ra-Martin, de son côté, ne récupère pas systématiquement les bidons jaunes. Il en a plusieurs dizaines qu’il remplit au niveau des bornes fontaines. Il est passé maitre dans le transvasement de l’eau de bidon jaune à bidon jaune. « Pas question de laisser mes bidons chez des gens car je ne pourrais pas les remplir à l’heure de l’ouverture des bornes », lance-t-il. Il faut savoir que les bornes fontaines ne sont pas ouvertes tout au long de la journée. Il y a des heures où elles sont fermées. La journée de Ra-Martin est ainsi rythmée par les horaires des bornes fontaines. « Je me couche vers 20 heures et je me réveille à 2 heures pour remplir les bidons. Je distribue l’eau durant la matinée avant de recharger ». Bien que Ra-Martin affiche un excellent état de santé, le poids des années commencent à se faire ressentir. Il y a encore un an, il pouvait porter deux bidons accrochés à son porte-seaux sur les épaules. Aujourd’hui, il pousse ses bidons sur sa brouette.
Avec les déboires de la Jirama, de nouvelles personnes se sont improvisées porteur d’eau dans le quartier. « Koné », une mère de famille dans la trentaine, fait partie de ces « opportunistes » de l’eau. Proposant généralement ses services pour la lessive, le ménage, le ramassage des gamins à l’école, elle a ajouté une corde à son arc : porteuse d’eau. Elle a en effet l’avantage d’habiter entre deux bornes fontaines. Remplissant les bidons la nuit, elle les distribue le matin. Néanmoins, certains nouveaux porteurs d’eau ont profité de la détresse des familles qui avaient l’habitude d’avoir l’eau courante pour les taxer au prix fort. 1500 ariary le bidon qui coute 500 ariary en temps normal. Ra-Martin a maintenu son prix malgré la crise de l’eau. Il a indiqué qu’au-delà du travail, il adore rendre service à ses clients dont certains ont jusqu’à son numéro de téléphone.Â
Tolotra Andrianalizah