« Je me rends compte qu’il y a des similitudes entre mon combat et celui de Ninie Doniah. J’aide les habitants de Moratsiazo Sambava dans un litige foncier. Nous verrons où cela va mener », écrit Marie Nathassa Razafiarisoa sur sa page Facebook en hommage à l’artiste engagée de Nosy-be qui vient de décéder. Quelques jours après, elle se fait arrêter et emmenée à Antalaha avant d’être finalement relâchée. Provisoirement. Interview avec cette jeune femme de 33 ans qui se bat pour la cause des habitants d'un fokontany menacés d’expulsion dans le cadre d’un litige foncier.  Â
Studio Sifaka : S’il fallait résumer ces derniers jours …
Marie Nathassa Razafiarisoa : Disons que j'ai vécu la plus grande peur de ma vie. Cela s'est passé tellement vite. L'impuissance et la colère s’entremêlaient en moi. Je n’ai pu libérer mes larmes que ce matin sur la plage d'Antalaha (le 24 novembre, ndlr). Le retour à la maison a été rempli d’émotion. Certes, ce n’est pas encore fini mais hier encore j'étais partie pour la prison. C'était leur objectif. Mais les alertes que j’ai lancées ont chamboulé leurs plans. A bien y réfléchir, je pense qu'ils (autorités locales, ndlr) ont pas eu le choix. Ils m'ont très bien traitée. Mais la plainte vient d’une personne très influente alors les ordres ont pu venir de très haut.
Vous avez mentionné Ninie Doniah quelques jours avant votre arrestation. Son souvenir vous a-t-il donné du courage ?
Oui et non. Quand j'ai écrit ce mot j'étais terrifiée par ce qui pouvait m'arriver. Mais comme toujours face à l'injustice ma peur disparaît. Il y a des similitudes entre le combat de Ninie Doniah et le mien parce que je me suis engagée dans une affaire où il est question de litige foncier également.
Vous parlez d’injustice. Qu’est-ce qui vous a poussée à vous engager dans ce combat ? Quel a été le déclic ?
Je pense que je suis toujours ainsi. Je réagis aux injustices automatiquement. A Antananarivo quand j'ai posté mon podcast "Hempaka_zah" sur Facebook la coupe était déjà pleine. Puis les arrestations ont commencé (des jeunes du fokontany ont été arrêtés, ndlr). Je savais que le moment était venu. J'ai décidé de revenir plus tôt que prévu. A mon retour, la vue des familles qui perdaient leur maison m’a transpercé le cœur. Il n’y avait plus de retour en arrière possible.
Et votre famille dans tout cela …
Terrifiée. Mais nous sommes une famille d'activistes chacun dans son domaine. Nous nous acceptons assez pour nous soutenir face à tout. Au final ce n’était pas un problème. En partant d’Antananarivo, je leur avais dit que j'allais réagir face au problème Moratsiazo. Ils n’étaient pas d’accord mais ils ont respecté et ont compris mon choix.
Des lanceurs d’alerte et défenseurs des droits de l’homme finissent en prison ou sont assassinés ces derniers temps. Qu’est-ce qui vous pousse à poursuivre sur cette voie ?
Ce n’est jamais perdu d'avance. Il y a toujours de l’espoir. Je m'engage parce qu'il le faut. Si je peux le faire, je dois agir. Si chacun fait ce qu'il doit faire, le changement se fera. En plus, si ce n’est pas moi, ou nous, qui le fera ? Si ce n’est pas maintenant, quand est-ce que ce le sera ? Je ne veux pas me culpabiliser de ne pas avoir agi.
Propos recueillis par Tolotra Andrianalizah
Marie Nathassa Razafiarisoa a été placée en garde à vue le 22 novembre 2023 à Sambava avant d’être déférée au tribunal d’Antalaha le 23 novembre. Elle a obtenu une liberté provisoire le lendemain.
Marie Nathassa Razafiarisoa s’est engagée aux côtés de 200 ménages du fokontany Moratsiazo à Sambava qui sont concernés par un litige foncier les opposants à un homme d’affaires qui aurait acheté le terrain.