Le 2 octobre dernier, une page Facebook suivie par près de 70 000 personnes a publié une photo du lac Tritriva, célèbre site touristique d’Antsirabe, dans la région Vakinankaratra. Sur cette image, l’eau du lac, habituellement d’un bleu profond tirant vers le vert émeraude, apparaît jaune, presque marron sur les bords, laissant présager un mauvais sort, comme le veut la légende.
Dans la légende, on pouvait lire :
« FAMBARA MIALA RAJOELINA
Tazana niova ho mena ny lokon’ny ranon’ny farihy Tritriva. Loko izay tsy mahazatra satria dia manga no lokon’ny rano isan’andro »
Traduction
« SIGNE RAJOELINA DÉGAGE – On observe que la couleur du lac Tritriva est devenue rouge. Une couleur inhabituelle car le lac est normalement bleu. »
Vérification
Pour vérifier cette information, nous avons contacté l’Office régional du tourisme de Vakinankaratra. Les responsables nous ont confirmé que cette affirmation était fausse. Un guide local qui était sur place le 3 octobre au matin, a également assuré qu’il avait vu le lac tel qu’on le connaît : d’un bleu profond.
Un photomontage
Une recherche par image inversée nous a permis de retrouver la photo originale, publiée sur un site de promotion touristique. Sur ce cliché, l’eau du lac garde bien sa couleur bleue. En comparant les deux images, on constate que l’angle de prise de vue, l’exposition et la lumière sont identiques. Les contrastes sur la végétation et la falaise de pierre qui borde le lac sont également semblables. Seule la couleur de l’eau a été modifiée.
Entre croyance et manipulation
L’histoire d’un lac Tritriva qui « vire au rouge » n’est pas nouvelle. Selon des croyances locales, ses eaux changeraient de couleur lors d’événements tragiques ou de décès dans les villages environnants. Cette fois, la publication reprend ce récit traditionnel, mais le détourne pour l’associer au contexte politique actuel.
L’image diffusée sur les réseaux sociaux est donc un photomontage. La couleur du lac Tritriva n’a pas changé. Cette publication est une intox.
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Entre fermetures, ventes écourtées et dispositifs de sécurité improvisés, les commerçants de la capitale tentent tant bien que mal de s’adapter aux manifestations qui bouleversent leur quotidien.
Depuis près d’une semaine, les manifestations citoyennes perturbent le quotidien des habitants de la capitale. Travail, déplacements, études : rien n’est épargné. Dans les quartiers commerçants de Behoririka et d’Analakely, la situation reste particulièrement tendue.
À Behoririka, toutes les boutiques ne sont pas ouvertes. Et celles qui décident de poursuivre leurs activités le font avec une extrême prudence. Elio, vendeur de vêtements de confection, explique : « Nous venons tout juste de commencer à vendre aujourd’hui. Notre magasin n’est pas vraiment ouvert ; seule une petite porte est entrouverte. Les clients ne rentrent pas à l’intérieur mais passent leurs commandes à l’extérieur. »
Pour renforcer la sécurité, des agents privés, recrutés par les propriétaires, se postent devant les immeubles et à différents coins de rue. Les aides-magasiniers, eux aussi, montent la garde pour protéger les stocks et décourager toute tentative de pillage.
Sous pression
À Analakely, les marchands de rue, eux, tentent de sauver ce qu’ils peuvent. Ils installent leurs étals dès l’aube pour espérer vendre un maximum avant 11 heures, heure à laquelle les mesures de sécurité les obligent à plier bagage. Un vendeur de cosmétiques témoigne :
« On arrive à peine à vendre quelque chose pendant cette heure. Ensuite, les routes sont complètement bloquées. »
Ces commerçants ambulants se sentent particulièrement vulnérables. En cas d’émeute, ils n’ont ni refuge, ni espace sécurisé pour protéger leurs marchandises.
D’autres préfèrent rester fermés, redoutant de plus grandes pertes. C’est le cas d’une boutique d’accessoires pour bébé : « Pour le moment, nous ne vendons pas encore. Notre patron a peur d’ouvrir la boutique. »
Dans ce climat d’incertitude, les vendeurs admettent que leurs horaires de travail comme leurs revenus restent totalement imprévisibles. Mais malgré tout, les commerçants assurent maintenir les prix de leurs produits.
Mahazo Riantsoa et Ravo Andriantsalama
Après les étudiants et les jeunes, d’autres voix s’apprêtent à se joindre aux contestations. Artistes, influenceurs, société civile et même journalistes annoncent leur possible entrée dans l’arène, promettant de donner une nouvelle dimension au mouvement.
Les manifestations pourraient bientôt prendre une toute autre tournure. Depuis le début, les étudiants, les jeunes et une partie de la population en colère étaient les principaux protagonistes de la contestation. Désormais, la roue pourrait tourner. Artistes, influenceurs, organisations de la société civile et même journalistes risquent de rejoindre les rangs des manifestants, si l’on en croit les dernières communications. Ces nouveaux acteurs, forts de leur notoriété et de leur influence sur l’opinion publique, pourraient faire basculer l’équilibre du mouvement.
Hier, 257 organisations de la société civile malgache ont signé conjointement un communiqué appelant à une solution radicale et durable contre l’injustice et la corruption. Elles annoncent leur intention de descendre dans les rues et exhortent les citoyens à les suivre. « Nous réaffirmons notre engagement indéfectible et lançons un appel, à partir de ce jour, à toutes les OSC malagasy ainsi qu’à tous les citoyens de toutes les régions à participer activement et à être solidaires des manifestations pacifiques pour un changement radical, dans l’intérêt supérieur de la nation », précise le communiqué.
Excuses publiques
De leur côté, les journalistes s’indignent des agressions commises ces derniers jours par certains éléments du Groupement de sécurité et d’intervention spéciale (GSIS) sur des reporters sur le terrain. Après avoir porté plainte auprès du tribunal d’Antananarivo, l’Ordre des journalistes de Madagascar (OJM), par la voix de sa présidente Monica Rasoloarison, exige des excuses publiques de la part des responsables du groupement. Elle souligne que, si aucune garantie de sécurité n’est apportée aux professionnels des médias, il est possible que les journalistes prennent part aux manifestations. Leur abstention dépendra donc de l’issue de leur requête et de la présentation d’excuses officielles.
Enfin, pas plus tard que ce matin, une dizaine d’artistes se sont regroupés pour exprimer publiquement leur soutien aux revendications de la jeunesse. Plusieurs d’entre eux avaient déjà été aperçus dans les rues ces derniers jours, mais cette fois-ci, ils ont fait une déclaration commune. Représentés par Théo Rakotovao, porte-parole du jour, les artistes ont demandé l’autorisation d’organiser un rassemblement à Ambohijatovo et sur la place du 13 mai. « Si vous avez aimé et approuvé notre art et notre musique, il est logique que vous nous accordiez l’autorisation de nous réunir dans ces deux lieux mythiques », a déclaré l’artiste originaire des Mikea. La date de ce regroupement n’a toutefois pas encore été révélée.
À noter que l’adhésion de ces nouveaux partisans ne signifie pas qu’ils portent tous les mêmes revendications. Tandis que la société civile et les artistes se mobilisent contre « l’injustice et la corruption », aggravées par les délestages et les coupures d’eau, les journalistes réclament avant tout davantage de garanties de sécurité de la part des autorités lors des manifestations.
Ravo Andriantsalama
La politicienne Fanirisoa Erinaivo n’a pas dit de faire venir les employés des call-center et de faire ce qu’il faut s’ils ne veulent pas faire la grève.
Sur le réseau Facebook, une page nommée « Zava-Misy ATY » a publié une information sur les paroles de l’opposante farouche du régime actuel, Fanirisoa Erinaivo rapporté comme suit : « Faites venir les employés des call-center à Ankorondrano et à Ivandry, s’ils ne veulent pas faire la grève, faites ce qu’il faut ».
La page en question se définit comme une page d’actualité en ligne qui informe ses followers sous forme de satire, en reprenant les photos d’autres pages d’actualité, professionnelles, ou reprend les paroles d’une personne pour en faire une mini-publication.
Pour cette publication concernant les paroles de Fanirisoa Erinaivo sur les call-center, la page source a publié une photo de la concernée avec les paroles écrites à même l’image et en même temps en guise de légende, qui accompagne l’image.
Pour vérifier la véracité de cette publication, nous avons consulté le compte Facebook du nom de Fanirisoa Erinaivo. Nous avons vu alors une publication de cette femme politique ayant démenti cette information à travers une capture d’écran de la publication de Zava-Misy ATY. Nous avons vu deux mots « FAKE » écrits en blanc avec un fond rouge au travers de l’image capturé.
Dans le compte Facebook du nom de Fanirisoa Erinaivo, nous pouvons voir des photos personnelles de l’auteure, Fanirisoa Erinaivo et des vidéos d’elle en direct, ce qui accorde davantage de crédibilité au compte en question.
Nous pouvons considérer alors que cette publication de Zava-Misy ATY est fausse.
Depuis le 29 septembre 2025, un document présenté comme un communiqué officiel de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) circule massivement sur les réseaux sociaux. Ce texte affirme que l’organisation régionale aurait décidé de « destituer le Président de la République de Madagascar de la Présidence de la SADC ». Après vérification, il s’avère que cette déclaration est totalement fausse.
Le prétendu communiqué indique qu’une session extraordinaire des membres de la SADC se serait tenue et aurait conduit à la fin du mandat de Andry Nirina Rajoelina à la tête de l’organisation. Pourtant, à l’examen du document, plusieurs incohérences sautent aux yeux : aucune date, aucun lieu de réunion ne sont mentionnés, alors que la SADC précise toujours ces éléments, ainsi que le contexte des délibérations, dans le cops de ses publications officielles en plus des entêtes.
Le vrai communiqué ne correspond pas à la version partagée
La vérification sur le site officiel de la SADC confirme que, le 29 septembre 2025, un document concernant Madagascar a bien été mis en ligne. Mais il ne s’agit pas de celui relayé par certains internautes. En réalité, la déclaration authentique de la SADC date du 27 septembre et n’a été publiée sur le site officiel que le 29 septembre 2025.
Dans ce texte, l’organisation régionale exprime son soutien et sa solidarité « indéfectibles » au gouvernement et au peuple malgaches en cette « période difficile ». Elle salue « l’engagement des autorités en faveur de la paix, de la stabilité, de la sécurité et du bien-être des citoyens ». En revanche, le communiqué souligne aussi que « les pertes en vies humaines, les atteintes à l’intégrité physique et la destruction de biens constituent des événements malheureux qui vont à l’encontre des principes de paix, d’unité et de développement durable » sur lesquels repose la vision de la SADC.
Le faux document diffusé sur internet s’inspire donc de cette véritable déclaration intitulée « Déclaration de la Communauté de développement de l’Afrique australe concernant la situation en République de Madagascar », adoptée à Gaborone (Botswana) le 27 septembre 2025 et signée par le secrétaire exécutif de la SADC, Elias M. Magosi.
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Les manifestations contre les coupures d’eau et d’électricité ont connu ce jour une répression plus violente. Manifestants, journalistes et simples passants ont été victimes des interventions musclées des forces de l’ordre dans la capitale, notamment à Ambohijatovo.
Manifestants, pilleurs et journalistes. Tous ont été victimes des violences « légales » de certains éléments des forces de l’ordre déployés pour stopper les mobilisations dans plusieurs villes du pays, surtout dans la capitale, depuis le début des manifestations jeudi. Aujourd’hui, la brutalité des coups portés par ces forces contre les manifestants a atteint un niveau inédit. Bien qu’ils aient laissé entrer en milieu d’après-midi les contestataires venant du Sud d’Antananarivo sur la place de la démocratie à Ambohijatovo, la demande d’accès à la place de l’Indépendance a suffi pour que les hommes en uniforme déploient leur arsenal.
Bombes lacrymogènes, grenades assourdissantes, balles en caoutchouc et autres armes coercitives ont été utilisés. Les dégâts du côté des manifestants sont lourds. Vers 16 heures, une jeune femme s’est effondrée à Ambohijatovo, victime des jets incessants de grenades lacrymogènes et assourdissantes lancées par les forces de défense et de sécurité, majoritairement composées de gendarmes. Restée inconsciente malgré les gestes de premiers secours des personnes présentes, elle a été pris en charge plus tard à l’arrivée d’une ambulance escortée par les sapeurs-pompiers de la ville.
Quelques minutes plus tard, une femme âgée s’est à son tour évanouie sous l’effet des gaz. Comme pour la première victime, ce sont les pompiers qui l’ont transportée sur un brancard vers une ambulance et les centres de soins. D’autres personnes ont également été blessées au cours de la journée. Le changement brutal de comportement des forces de l’ordre a surpris plus d’un. Dans un premier temps, elles se contentaient d’escorter les manifestants jusqu’à Ambohijatovo, avant de charger violemment la foule à coups de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc.
Bavures
Au-delà de la répression des manifestants, des violences contre les journalistes ont aussi été constatées, depuis quelques jours, des violences au grand jour, devant les caméras. Mais celles de cet après-midi ont dépassé les bornes. Après avoir repoussé les contestataires, les forces de l’ordre ont regagné la place stratégique d’Ambohijatovo. . C’est à ce moment qu’un élément du Groupement de sécurité et d’intervention spéciale (GSIS) s’en est pris à un jeune journaliste qui couvrait la scène. Muni de son gilet et de son matériel d’enregistrement, il affirme avoir été agressé par ce membre des forces de sécurité.
Choqués, les journalistes présents ont immédiatement cessé de couvrir la manifestation et se sont dirigés le chef des forces de l’ordre sur place, pour demander des explications. Mais leur demande est restée sans réponse.
Après quelques minutes de dialogue unilatéral avec des policiers, gendarmes et militaires silencieux, la présidente de l’Ordre des journalistes de Madagascar, Monica Rasoloarison, est arrivée sur les lieux. Jusqu’à notre départ, vers 18 h 15, aucun responsable des forces de l’ordre n’était venu. La présidente de l’OJM a dénoncé des violences inacceptables : « Si la seule solution pour garantir la sécurité des journalistes est de descendre dans les rues, nous le ferons », a-t-elle lancé.
Ravo Andriantsalama
Christian Ntsay, resté plus de six ans à la tête du gouvernement malgré les contestations, a finalement été limogé par Andry Rajoelina. Le président de la République justifie sa décision par un manquement aux devoirs envers la population.
Plus longtemps en poste que le président de la République lui-même, et survivant à plusieurs tentatives de motion de censure, le Premier ministre Christian Ntsay vient d’être démis de ses fonctions, tout comme le gouvernement qu’il dirigeait. Nommé à la fin du mandat du président Hery Rajaonarimampianina en 2018, Ntsay s’était maintenu au pouvoir malgré la colère populaire, alors que les ministres changeaient fréquemment depuis le début du premier mandat d’Andry Rajoelina. Finalement, c’est un mouvement de jeunes qui a eu raison de son long séjour à Mahazoarivo.
Lors d’une intervention sur la chaîne nationale, le chef de l’État a reconnu que lui et son équipe avaient failli à écouter les « cris du peuple ». Il a expliqué que cette défaillance justifiait la dissolution du gouvernement conduit par Christian Ntsay. « C’est vrai que certains membres du gouvernement n’ont pas répondu aux attentes du peuple, et je m’en excuse. Il se peut que nous n’ayons pas entendu vos alertes, ou même que nous n’ayons pas voulu les entendre. C’est pour cela que j’ai décidé de démettre le Premier ministre et son gouvernement de leurs fonctions », a déclaré Andry Rajoelina.
« à l’écoute du peuple »
Le président a annoncé que le nom du futur Premier ministre serait connu dans les trois jours à venir. Une fois nommé, ce dernier disposera d’un délai pour former une nouvelle équipe. Le futur cabinet devra, selon Andry Rajoelina, se concentrer sur les besoins fondamentaux de la population. Le chef de l’État a également invité les jeunes à postuler aux postes ministériels en envoyant leurs CV.
Avec cette décision choc, le microcosme politique entre en ébullition : les partisans du pouvoir peuvent y voir une occasion de gravir les échelons dans la pyramide des « oranges ». De l’autre côté, l’opposition, qui s’identifie depuis le début des manifestations comme alliée des jeunes, observe la situation. La question reste de savoir si la décision du président permettra d’apaiser les tensions et de calmer la colère des manifestants pour ramener le calme et la tranquillité publique.
Ravo Andriantsalama
Les coupures d’électricité ont rallumé la flamme de la contestation étudiante. Ce samedi, plusieurs centaines d’étudiants de l’Université d’Antananarivo ont manifesté à Tsiadana. L’événement a rapidement dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre, rappelant les grandes mobilisations de 1972.
Manifestation estudiantine. C’est la traduction la plus fidèle des évènements de ce vendredi du côté de Tsiadana, près de l’Université d’Antananarivo. Vers 10 heures du matin, plusieurs centaines d’étudiants, qui s’autoproclament « génération Z », se sont rassemblés dans l’enceinte de l’Université d’Ankatso pour discuter de la stratégie de la journée. Après plusieurs minutes de débats animés, ils décident de descendre dans les rues pour rejoindre la place de la Démocratie à Ambohijatovo.
Aux environs de 11 heures, les manifestants se retrouvent face aux forces de l’ordre, prêtes à dégainer et à lancer les premières grenades lacrymogènes. Après une brève discussion entre représentants des étudiants et autorités, les explosions assourdissantes retentissent. Les étudiants se dispersent. Quelques minutes plus tard, les 4x4 de la Croix-Rouge arrivent sur place pour évacuer les blessés.
Rapidement, la rumeur circule : Justin, un étudiant qui avait participé aux négociations avec les forces de l’ordre, aurait été arrêté. Dans l’après-midi, des camarades affirment qu’il a bel et bien été embarqué dans un véhicule des forces de l’ordre après son échange avec le colonel Tojo Raoelijaona, de la gendarmerie nationale.
Mikolo, le héros des réseaux
Sous l’effet des gaz lacrymogènes, les étudiants reculent, mais ne cèdent pas. Vers 14 heures, une nouvelle altercation éclate violemment à Tsiadana, pas loin du lieu de la précédente, entre les forces de l’ordre et les manifestants. Les jets de pierres se multiplient, tandis que l’air devient irrespirable à cause des gaz.
C’est alors qu’un étudiant, refusant de battre en retraite, s’avance seul et exprime haut et fort ce qu’il a sur le cœur. Les journalistes se précipitent vers lui. L’émotion prend le dessus lorsqu’il s’adresse directement au colonel Tojo Raoelijaona : « Nous, la Génération Z, ne sommes pas violents. Nous n’avons rien à voir avec les pilleurs. »
Les vidéos de cette scène, relayées par les journalistes et sur les réseaux sociaux, deviennent virales. Mikolo, le jeune étudiant, est propulsé au rang de symbole et de héros sur Facebook.
Les affrontements se poursuivent jusqu’aux environs de 16 h 30. À la fin de la journée, les étudiants publient une déclaration exigeant la libération de leurs camarades arrêtés. Vers 19 heures, ceux qui résident dans les cités universitaires d’Ankatso menacent de durcir leur mouvement si leurs camarades ne sont pas libérés rapidement.
Ravo Andriantsalama
Les réactions fusent après une journée particulièrement agitée. Députés, étudiants, société civile, des partenaires internationaux ont tour à tour dénoncé les violences et appelé au retour au calme.
Quelques heures après les affrontements entre forces de l’ordre et manifestants, principalement à Tsiadana, près de l’Université d’Antananarivo, les organisations de la société civile (OSC), les représentants de la génération Z autoproclamée et même des députés ont publié des déclarations en réaction aux violences qui s’étendent à plusieurs grandes villes, notamment dans la capitale.
Du côté de la société civile, très impliquée dans les manifestations depuis jeudi dernier, le ton est à la dénonciation. Le 25 septembre 2025 marque un tournant pour Madagascar, affirment une trentaine d’OSC qui condamnent d’une seule voix la répression sanglante des manifestations pacifiques, l’usage disproportionné de la force ayant causé morts et blessés, les violences contre journalistes et citoyens, les arrestations arbitraires ainsi que les pillages et destructions de biens.
Elles exigent le rétablissement d’un espace d’expression libre et sécurisé, l’ouverture d’enquêtes pour sanctionner les responsables, une solution durable à la crise de l’eau et de l’électricité, la traduction en justice des hauts dirigeants, ainsi que l’adoption de lois sur l’accès à l’information et la protection des défenseurs des droits humains. Elles appellent enfin la communauté internationale à condamner les abus de l’État et saluent le courage des citoyens, en particulier des jeunes, qui bravent la peur pour revendiquer leurs droits fondamentaux.
Session extraordinaire
Réunis en urgence à Tsimbazaza en début de soirée, les députés de la chambre basse estiment qu’il est impératif de trouver rapidement une issue pour mettre fin aux troubles actuels. Représentée par maître Hanitra Razafimanantsoa, députée de l’opposition, l’Assemblée nationale a annoncé son intention de demander prochainement une session extraordinaire afin de débattre de la situation.
Les étudiants, de leur côté, réclament la répression des pilleurs pour rétablir l’ordre, tout en se démarquant de toute responsabilité dans ces actes. Vers 16 h 30, ils ont annoncé la suspension de leur manifestation, mais préviennent que la mobilisation pourrait reprendre de manière plus virulente si aucune solution n’est trouvée aux problèmes d’eau et d’électricité.
Enfin, les réactions ont franchi les frontières nationales : la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) a publié un communiqué appelant au retour au calme. Elle demande aux autorités de faire preuve de souplesse envers les manifestants, et à ces derniers de s’exprimer pacifiquement. Le communiqué exhorte aussi les dirigeants malgaches à trouver une issue pacifique aux tensions grandissantes. Plusieurs ambassades ont également déclaré ce soir leurs préoccupations face aux violences. Les ambassades d’Allemagne, de Corée, des Etats-Unis, de la France, du Japon, du Royaume uni, de la suisse et la délégation de l’Union européenne déclarent à l’unisson pour appeler les parties prenantes à faire preuve de modération et à rejeter la violence.
 Ravo Andriantsalama
Il y a deux ans, 105 mégawatts d'energie arrive à Toamasina. De même, un parc solaire de 50 mégawatts arrive à bon port. Pourtant, les problèmes d’électricité persistent. Face à cette situation et au soulèvement populaire de ces derniers jours, le président de la République a réagi : le ministre de l’Énergie est limogé à compter de cette nuit.
« Le ministre de l’Énergie n’a pas su accélérer le processus. » Ce sont les mots du président de la République, ce soir, sur la chaîne nationale. Andry Rajoelina s’est exprimé au lendemain des événements tragiques d’hier. Compassion envers ceux qui ont perdu des proches ou des biens de valeur lors de cette nuit noire, condamnation des pilleurs et des gros bras, solidarité avec les jeunes qui revendiquent leurs droits. Mais surtout, accusations contre l’opposition, tenue pour responsable de la manipulation des revendications de la Génération Z.
Aux grands maux les grands remèdes : le locataire d’Iavoloha prend une mesure radicale pour tenter d’apaiser la tension actuelle. Le ministre de l’Énergie et des Hydrocarbures, Olivier Jean Baptiste, est démis de ses fonctions. Andry Rajoelina a été clair : « Toute responsabilité implique un devoir de redevabilité. C’est pourquoi j’ai décidé aujourd’hui de suspendre le ministre de l’Énergie de ses fonctions. Autrement dit, nous limogeons ce jour le ministre de l’Énergie », a-t-il déclaré.
Le président a assuré les jeunes qu’il était prêt à dialoguer avec eux, à les écouter et à prendre des mesures concrètes pour trouver des solutions durables aux problèmes d’électricité et d’eau. Il a reconnu des retards dans l’action gouvernementale, tout en rappelant que les délestages ne datent pas d’hier mais remontent à 2004, un héritage dont son équipe cherche aujourd’hui à sortir le pays.
Instrumentalisation de mouvement
En revanche, le chef de l’État a dénoncé la récupération politique des manifestations par certains acteurs, accusés d’avoir instrumentalisé les revendications légitimes des jeunes pour servir leurs propres intérêts. Selon lui, des bandes auraient même été recrutées pour semer le désordre, dans une logique de déstabilisation qui s’apparenterait à une tentative de coup d’État. Il a fustigé l’incitation à la haine et la confrontation, qui ne constituent pas une solution mais visent uniquement, selon ses termes, à satisfaire des ambitions personnelles.
Le président a ensuite lancé un appel aux forces armées dont il est le chef suprême : « J’en appelle aux forces armées à ne pas baisser les bras face aux événements en cours. Je tiens toutefois à les remercier pour les actions déjà menées afin de rétablir rapidement l’ordre public », a-t-il déclaré, comme pour inviter au calme avant son retour.
Avant de conclure, Andry Rajoelina a annoncé qu’il tiendrait prochainement une émission spéciale pour exposer les solutions envisagées face aux problèmes d’énergie et d’eau, ainsi que les délais prévus pour les travaux. Comme à son habitude, il a terminé sur des promesses de solutions pérennes pour les générations futures. La question demeure toutefois : quelle sera la réaction des manifestants et de l’opinion publique après ce discours et ce limogeage de Jean Baptiste Olivier ?
On se souvient que l’ancien ministre des Transports, Valéry Ramonjavelo, n’a toujours pas été remplacé plusieurs mois après son départ. Quoi qu’il en soit, les élus de l’opposition ont déjà appelé les manifestants à se rassembler demain à 11 heures à Ambohijatovo. La Génération Z autoproclamée prévoit également de se mobiliser, cette fois à Ankatso, selon les informations disponibles.
Ravo Andriantsalama
Après les violentes émeutes qui ont secoué la capitale et plusieurs grandes villes du pays, le gouvernement a décrété le rétablissement de l’ordre public (ROP). Un couvre-feu est instauré et la communication officielle est désormais centralisée entre les mains du Premier ministre, chef de l’OMC Nat.
Rétablissement de l’ordre public (ROP). C’est la situation actuelle du pays après les émeutes meurtrières d’hier et de ce matin dans plusieurs quartiers de la capitale et d’autres grandes villes. Hier soir, lors d’une intervention sur la chaîne nationale, le Premier ministre Christian Ntsay, en sa qualité de chef de l’organe mixte de conception nationale (OMC Nat), entouré des ministres de la Défense, de la Sécurité et du préfet d’Antananarivo, a annoncé l’entrée en vigueur du ROP. En complément, un couvre-feu de 19 h à 5 h du matin a été instauré, dans l’objectif de ramener le calme.
Par définition, le ROP est la suite logique du maintien de l’ordre public (MOP). Dans le cadre du MOP, l’utilisation « d’armes plus lourdes » est autorisée uniquement contre les fauteurs de troubles. Cette mesure s’est concrétisée ce matin dans le sud de la capitale. Alors qu’une foule s’était rassemblée près de la galerie Smart Tanjombato, des émeutes ont éclaté et ont conduit au pillage d’un centre commercial. Les forces de défense et de sécurité sont intervenues : un assaillant a été abattu et trois autres ont été interpellés.
Silence radio
Si le ROP renforce la capacité de coercition des forces de l’ordre, il impose également un verrouillage de l’information. Désormais, toute communication officielle est centralisée par une seule autorité : le Premier ministre, en tant que chef de l’OMC Nat. Joint par téléphone ce matin, le préfet d’Antananarivo, Angelo Ravelonarivo, l’a confirmé : « On ne peut plus rien dire. Puisque nous sommes dans le cadre du ROP, le seul habilité à partager les informations est le chef du gouvernement. »
En l’absence du président de la République, actuellement à New York pour la 80e Assemblée générale des Nations unies, c’est le Premier ministre qui tient les rênes du pays. Sa première décision a été de reconnaître officiellement le trouble à l’ordre public et de décréter le ROP. Malgré cela, les manifestations pourraient se poursuivre, les jeunes affirmant vouloir continuer leur mouvement et les politiciens cherchant à tirer profit de la situation.
Ravo Andriantsalama
Incompréhension, indignation et colère intériorisée se sont mêlées pour provoquer les évènements d’aujourd’hui. Un soulèvement populaire digne de 1972, 1991, 2002 et 2009 s’est déroulé ce jour dans plusieurs grandes villes du pays. La raison : les délestages d’électricité et les coupures d’eau incessantes. Entre ferveur populaire et débordements excessifs, la journée a été particulièrement mouvementée.
Un fait inédit. Du moins pour ceux nés après le soulèvement de 1991 et la prise de pouvoir par la force contre le régime socialiste de l’amiral Didier Ratsiraka. La manifestation du 25 septembre contre les délestages et les coupures d’eau a tenu toutes ses promesses, malgré le rejet de la demande d’autorisation de manifester par les autorités. De l’énergie d’une jeunesse ignorée au mécontentement généralisé de la population, le mouvement a quelque peu dégénéré. Des magasins ont été pillés, des domiciles d’hommes et de femmes d’État incendiés. La génération Z et un peuple insatisfait ont pris la rue de force.
Tôt le matin, vers 10 heures, les premières bombes lacrymogènes ont commencé à retentir du côté d’Analakely, en plein centre-ville. Elles ont été suivies par la montée des étudiants de l’Université d’Antananarivo qui, après quelques minutes de marche, sont arrivés à Antsahabe un quartier limitrophe pour rejoindre le centre-ville. C’est là qu’ils ont été confrontés aux forces de défense et de sécurité et aux fameuses bombes lacrymogènes.
Débordements
En parallèle, Faravohitra, Ambondrona, Tsaralalà na et d’autres quartiers du centre-ville ont été pris d’assaut par les manifestants. Ces foyers de tension ont duré plusieurs heures avant que la situation ne se calme légèrement vers 16 h 30. Mais à la tombée de la nuit, les évènements ont pris une toute autre tournure. C’est à ce moment que les pillages ont commencé. Le quartier commercial du Tana Waterfront à Ambodivona et le China Mall Ankazomanga ont été la cible d’individus profitant du désordre.
Quelques heures auparavant, l’une des maisons de la sénatrice Lalatiana Rakotondrazafy, située à Ampasanimalo, avait été pillée puis incendiée. Celle du député élu dans le district de Tana VI, Naivo Raholidina, à Ambatomaro, a subi le même sort. Biens personnels, matériels et véhicules ont été détruits par les flammes. Au moment de la rédaction, la manifestation se poursuivait encore dans plusieurs quartiers d’Antananarivo.
Face aux débordements, la génération autoproclamée « Z » a publié sur sa page Facebook qu’elle n’avait rien à voir avec les pillages survenus dans divers quartiers de la capitale en début de soirée. Les autorités, par l’intermédiaire de l’organe mixte de conception national (OMC Nat) décrète le couvre-feu entre 19 heures du soir et 5 heures du matin dans la capitale et ses périphéries. En parallèle, d’autres villes de la Grande Île ont également pris part aux manifestations. Antsirabe, Mahajanga, Antsiranana et d’autres grandes agglomérations ont connu des mouvements virulents.
Ravo Andriantsalama
Après le départ de Lalaina, le CFFA enregistre un renfort de taille avec le retour de Dax, ex-capitaine du Fosa Juniors. Le milieu de terrain international malgache, formé à Tana Formation, s’engage pour un an renouvelable et pourrait rapidement devenir un leader des Oranges d’Andoharanofotsy.
Un expert laisse la place à une légende. Quelques jours seulement après l’annonce du départ de Lalaina, milieu de terrain indéboulonnable du Centre de formation de football d’Andoharanofotsy (CFFA) vers un club maghrébin, le club frappe un grand coup en signant Andriamirado Arohasina, plus connu sous le nom de « Dax ». Véritable icône du football malgache, il s’engage pour une durée d’un an renouvelable. Le natif d’Ambohimanarina n’est pas étranger à la philosophie du club d’Atsimondrano, puisqu’il a débuté sa carrière au Tana Formation FC, devenu par la suite le CFFA. Le propriétaire de ce club n’est autre que Henintsoa Rakotoarimanana alias « Tôta », également président du CFFA et maire d’Andoharanofotsy.
Concernant les discussions avec le Fosa Juniors Boeny, dernier club de Dax dont il portait le brassard de capitaine, le président du CFFA souligne qu’elles se sont déroulées sans difficulté. Il rappelle que le joueur connaît déjà plusieurs de ses futurs coéquipiers, à l’image de Lekadoda et Dona, avec qui il a évolué au Tana Formation. « Les discussions avec Fosa n’ont pas été compliquées. Nous avons procédé de la même manière que pour les transferts depuis Tana Formation. La transaction de Mahajanga à Andoharanofotsy s’est déroulée sans encombre, mais nous ne pouvons pas révéler le montant du transfert », explique Tôta.
Capitaine
Considéré comme une valeur sûre et déjà promu par ses anciens entraîneurs, Dax arrive avec un potentiel rôle de leader au sein de l’effectif. Si sa nomination comme capitaine n’a pas encore été tranchée, le staff technique et les joueurs décideront en temps voulu de lui confier, ou non, le brassard. « Le brassard de capitaine dépendra de la décision commune du staff et des joueurs. Peut-être que Dax prendra ce rôle, mais nous verrons cela au fur et à mesure de la saison », confie Tôta, joint par téléphone ce matin.
Le choix de Dax n’est donc pas anodin pour le CFFA. Fort de son expérience, de sa qualité de jeu et de sa connaissance préalable de plusieurs coéquipiers, le milieu de terrain a toutes les cartes en main pour briller sous les couleurs orange d’Andoharanofotsy.
Ravo Andriantsalama